03 juin 2010

Coco & Igor, en avant première


Oui je suis comme ca, moi, je vais voir les films en avant première, mais pas n'importe quoi, hein, les avants-premieres de la presse. Bon d'accord, je crane un peu, mais il faut bien, c'etait la premiere avant-premiere presse a laquelle je participais, Coco & Igor. Un peu comme Jennifer qui dinait recemment chez Joel Robuchon, j'avais l'index qui me titillait de mitrailler le batiment du siege de Sony, le hall de Sony, la reception de Sony, la salle de projection privee de Sony, les gens dans la salle de chez Sony, limite l'ecran aussi, on ne sait jamais, et le videur qui se serait pointe du haut de son 2.30 metres pour m'expliquer que je faisais tache. Donc, je me suis retenue, et j'ai pris mon petit air "en fait, je fais ca toutes les semaines, limite, je suis blasee" un peu comme le passager qui se fait surclasser en affaires et qui prend l'air degage de celui qui voyage toujours dans le luxe, alors que non, et ca se voit. Donc, moi, ca se voyait, je n'etais pas du meme monde, de tous les gens dans la salle qui se connaissaient, bisou, ugh, poignee de main virile, et qui prenaient des notes pendant le film, alors que moi je me grattais le genou droit, bien calee dans mon fauteuil club.
Mais venons en a l'histoire.
Coco Chanel tombe raide dingue de la musique de Stravinsky lors de la premiere representation du Sacre du Printemps en 1913. Elle est a peu pres la seule dans la salle, tous les autres nantis d'une place a cette premiere se tatent pour savoir s'ils vont partir en courant, ou jeter un fauteuil sur l'orchestre, histoire de faire cesser la cacophonie qui regne, le chef d'orchestre baisse la tete, et les danseurs post-modernes essaient de continuer a danser comme si de rien n'etait mais c'est plus dur pour eux. C'est dur pour nous aussi : la scene dure probablement un bon quart d'heure, la tension monte dans la salle de projection parce que c'est long, 15 minutes du Sacre du Printemps, quand on n'est pas prevenu. 
Sept ans plus tard, Coco Chanel, riche, belle, adulee, revoit Stravinsky l'auteur incompris, refugie a Paris avec sa petite famille apres la revolution russe. Echanges de regard tout plein de sous entendus, soupirs, Coco toise l'homme de ses reves et lui dit juste qu'il peut aller travailler dans sa toute petite maison a Garches au lieu de s'entasser avec ses trois gamins et sa femme (malade) dans un studio a Paris pour essayer de pondre une nouvelle creation. Stravinsky est blesse dans son orgueuil mais pas completement debile et accepte. Il se trouve que la maison de Garches est une villa immense, very design, avec, dis donc, ca tombe bien, une salle de musique tres belle, tres grande, et qui plait bien a Igor. La maison debecte Madame Stravinsky (malade) parce que c'est tout blanc et noir et y'a pas de couleur. Coco est quand meme bien gentille parce que tout le monde sait bien que les invites, au bout de trois jours, c'est comme le poisson, ca commence a puer, et eux, ils restent la. Elle sait bien qu'elle finira par se mettre Stravinsky Pere sous la dent parce qu'il lui plait bien - et vice versa - mais quand meme, il y a Madame Stravinsky (malade) et ca se fait pas. Tension entre les personnages, que l'on ressent dans nos fauteuils club, parce que le realisateur a trouve un truc pour nous faire ressentir la tension : les longueurs du film. C'est beau, mais c'est un peu long. Je vous passe le detail, mais a un moment Igor decide que tant pis pour sa femme (malade), Coco etant diablement seduisante, ca serait du gachis de passer a cote, etc. Scenes d'amuuur, tension, longueurs du film. 
Creations paralleles pour les deux genies, excusez du peu : Mademoiselle Chanel se rend a Grace pour expliquer au parfumeur qu'il est nul et qu'il peut faire mieux que l'echantillon no1, que l'echantillon no2, que l'echantillon no3. Le no4 est pas mal, mais oh surprise, c'est l'echantillon no5 qu'elle prefere. Disons que pour un genie comme Mademoiselle, on pourrait chipoter et dire qu'elle manque d'inspiration pour le nom du parfum mais ca n'est pas le coeur du debat. Tensions z'amoureuses, longueurs, langueur du spectateur comme d'Igor qui trouve que malgre sa femme (malade), Mademoiselle Chanel n'est pas tres disponible, etc. A un moment l'histoire semble basculer, Igor est somme par sa femme d'arreter de bizouter Coco quasiment devant elle, que vont dire les voisins, et en plus tu es mechant, parce que je suis malade-euh. Igor transpire un peu, Madame Stravinsky (malade) part avec les enfants a Biarritz histoire de lui faire comprendre qui est le chef, Igor reste encore un chouia chez Coco, on ne sait plus bien si c'est par acharnement a vouloir encore la bizouter (alors qu'elle semble s'etre lassee) ou pour retravailler la troisieme note de la 40eme page de la partition du trombone dans le 12eme acte du Sacre, parce que peut etre que ca sonne un peu faux, peux mieux faire, puisqu'un mecene anonyme (mais nous on sait que c'est Mademoiselle Chanel) a accepte de payer pour que le Sacre soit represente pendant une saison entiere a Paris. Le film se termine sur le Sacre (mais maintenant on est pare pour la musique), et cette fois ci le public est pare aussi, puisqu'il ovationne Stravinsky, qui peut enfin soupirer (meme si sa femme est toujours malade). On voit ensuite Stravinsky et Coco, separement, ages, seuls, chacun de leur cote dans une chambre vide, regarder dans le vague en s'interrogeant probablement sur le sens de leur vie, "et si on s'etait pas bizouté", "et si on s'etait bizouté plus longtemps" (ou peut etre sur la couleur des rideaux). Ze end. 
Deux heures plus tard apres le debut grincant du Sacre, les lumieres se rallument. Bon. 
Esthetiquement le film est magnifique, les decors, le style de Coco tres bien jouee par Anna Mouglalis, et Igor par Mads Mikkelsen (mais si, le mechant dans les deux derniers James Bond). Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi les realisateurs veulent absolument toujours faire des films de 2 heures. Ramene a 1h30, certes, on sentirait moins le malaise des genies, la tension, la torture mentale qu'ils s'infligent, mais on serait surtout moins tortures dans notre fauteuil, avouez. Moi, au bout de deux heures, je passe mon temps a croiser et decroiser mes jambes parce que je commence a avoir envie d'aller aux toilettes mais je veux savoir la fin du film quand meme, mais je suis plus exactement 100% concentree sur l'histoire. 
Donc, si vous aimez vous ronger les ongles en attendant la fin, ou cuisiner un boeuf bourguignon en regardant la teloche, oui. Si vous crevez d'envie de voir des chiffons griffes Chanel a l'ecran pendant deux heures, oui. Sinon, pitetre pas.
Moralite : je risque pas d'etre invitee une seconde fois par Sony pour voir un film en avant-premiere mais au moins j'aurai prouve que je peux faire une revue de film malgre tout...
_____
Photos : Regine Abadia, Courtesy of Sony Pictures Classics (la classe).
Pour ceux que je n'ai pas encore degoutes, le film sort le 11 juin aux Etats-Unis. 

9 commentaires:

  1. Carine T. (NYC)3 juin 2010 à 03:12

    Une nouvelles critique cinema est nee!!!
    On la connaissais "critique" (a ne pas uniquement prendre au sens negatif aillons l'esprit ouvert) de New York et des new yorkais, critique culinaire bien sur ;), critique touristique, etc... Mais cette nouvelle casquette lui va a ravir.
    Bravo Florie...je reste chez moi ce soir et je matte un DVD en repassant nah!!

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  2. Waou l'avant premiere! Trop bien!
    Pas bien par contre l'envie de faire pissou quand le film n'est pas encore fini...
    Bonne revue, j' attendrai de l' avoir en DVD sur Netflix grace a toi!
    Celui avec Audrey m'avait beaucoup plu meme si je l'avais vu dans l'avion.

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  3. ... et une *excellente* revue, en fait ! J'adore le ton de ton article (je suis même admirative, pour tout te dire).

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  4. Géniale l'expérience et pour la peine t'aurais du mitrailler à tout va, même le colosse! Excellente la revue de film, tu as songé à te convertir :p?

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  5. Je suis confuse, euh, vraiment... meme qu'en fait je rougis derriere mon ordinateur, mais heureusement ca se voit pas.

    Carine : le repassage est parfait pour regarder ce genre de film, tu ne risques pas de laisser bruler le fer sur un tee shirt !

    Lyly : oui je sais. En fait je suis une vieille dame incontinente cachee dans un corps de minette.

    Scarlett : merki

    Arben : la prochaine fois ! Ah zut, c'est vrai, y'aura pas de prochaine fois...

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  6. Et dis: comment tu as fait pour etre invitee aux projections presses? Mouais, je suis jalouse...

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  7. La Petite : je suis inscrite sur la liste presse du consulat de France a New York :)

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  8. Pour complémentariser ta revue, voici une interview du directeur faite par mon collègue de Bgum Damon Smith - http://filmmakermagazine.com/news/2010/06/jan-kounen-coco-chanel-igor-stravinsky/
    Comment fait-on pour être sur la liste presse du consulat de France à NY? Faut faire partie de la presse?

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  9. Merci Lyly !

    Oui il faut faire partie de la presse en theorie... Mais si jamais je suis invitee et que Thomas ne peut pas m'accompagner je penserai a toi :)

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